Hier, vendredi, j’ai dîné chez le Coran. Il y avait un énorme plat unique de salades, des légumes, des fruits avec des graines. Des parfums d’huiles dont j’ai oublié le nom à cause de la conversation qui a suivi le dîner. « Il faut que je te parle » m’avait dit le Coran au téléphone. Ça tombait bien.
Le dîner fut délicieux. J’avais des questions plein le ventre et j’ai peu mangé. Puis, je ne sais pas pkoi, par courtoisie mondaine ou par curiosité, peut-être les deux, j’ai voulu connaître le message du Coran avant ses réponses à mes questions. Il se referma brutalement et lança :
-Pourquoi m’avez-vous islamisé ?
Mes yeux ont cligné. Oui, mais non. J’étais en face du Coran. Je ne rêvais pas. Au fond du gros fauteuil marron. Inconfortable. Je me trémoussais je crois. Le silence murmurait des mots que je ne parvenait pas à saisir. Tant mieux.
Des mots dans l’air. Je les voyais lorsqu’ils survolaient mon interlocuteur fermé. Impassible. Un halo de lumière liquide autour. Sa couverture scintillante.
Dans ma tête : Kô: islami – koi ? Wahou !
Dans le silence. Face à cette couverture. Il me fallait réfléchir avec des mots morts plein la gorge. Je pus me déplier pour m’avancer au bord du gros fauteuil marron.
« Oui dit-il, en s’ouvrant sur la sourate Fatiha, vous m’avez littéralement islamisé. Regarde-moi, ici, là, droit dans les yeux et lis moi, oui Fatiha. Qu’est ce qu’il y a d’islam ici ? Tu vois la Salat ? Tu vois la Zakat ? Tu vois le ramadan ? Dis-moi, réponds-moi Amara. Est-ce que tu vois le Hadj ici ? »
Pas de colère dans la voix. De l’exaspération cependant. Surpris, l’air bête, j’allais lui pointer le Tawhid, là aux versets 1, 2, 3. Le pacte spirituel au verset 4. Je… Non, ça ne se fait pas de débattre du Coran avec le Coran dans le salon du Coran. Il faut être un homme politique pour ça.
Il poursuivit :
« Tu vas me dire peut-être qu’il y a tout le Tawhid ici. Ben oui, ben oui … comme d’hab. Soit ! Mais moi, est-ce que vous pensez à moi. Ce que j’en pense ? Ou bien je suis juste bon à répéter le Tawhid à des gens comme toi qui connaissent le Tawhid depuis qu’ils sont nés ? »
Moi : …
« Écoute Amara, quand je suis arrivé il y a plus de 1400 ans. Je te précise, ce fut de plein gré. On m’a proposé j’ai dit oui. Je savais que j’allais trouver le Meilleur. Mais, lui, le Meilleur, il ne savait rien. Rien de rien! Il ne savait même pas lire. Rien. Je te dis, il ne savait Riiiiiien ! »
Il se tut un moment. Puis je l’entendis murmurer « rien-rien-rien, de rien » en balayant ses pages un bon moment. Une page flottait quand il s’arrêta, distraite, hésitante allant d’un côté à l’autre. D’une voix douceâtre, presque câline : « Là tout a commencé ! Je suis né sur cette planète à cette page. »
Je pouvais reconnaître sourate Al-Alaq ! (96), de la première révélation. J’ai acquiescé de la tête puis je me suis trouvé idiot. Mais c’était trop tard…
« Ce fut une belle aventure avec le Meilleur. Il était le Dernier, mais il était surtout le Meilleur. Je l’ai trouvé vide, vierge de tout. Il ne savait rien. Au début, il fallait le tirer de dessous la couverture. Je te raconte pas. Mais avec lui, c’était magnifique. Il m’a consacré Ali son cousin, Zayd bin Thabi, mon couturier. Il y avait aussi Ibn Masud mon ambassadeur en Irak et beaucoup d’autres juste pour me mettre par écrit. Tu te rends compte de cet honneur ? Il était le Dernier surtout le Meilleur. Pour moi, la cerise sur le gâteau de la prophétie, vraiment le Meilleur »
Moi : …..
« Votre planète est toute petite, mais elle est si belle. Si perdue dans l’immensité de l’Univers. J’étais content de venir mais pour tout le monde. Je dis bien tous les fils d’Adam, pas pour quelques uns. Et qu’avez vous fait ? Dis-moi, mon cher ami, le musulman. Vous avez fait koi du Coran sublime ?
Tu ne sais pas ? Je vais te le dire : Vous m’avez coincé sur les étagères au fond de mosquées, salles de prières, et vous, vous… Vous m’aimez, je le sais, oui comme le chasseur la forêt, pour me citer et ça fait bien, ça fait savant, peut-être pieux… Bref.
Je suis dans les cœurs, prisonnier de votre amour. Mais, vous pensez à moi quand vous me lisez avec vos yeux de musulmans ? Mais…. les Omar, oui je fais koi des gens comme Omar ! Qui va les aider maintenant, sur cette petite planète perdue ici ?
Aaaah Omar. Le grand Omar. Omar Le beau fauve indomptable… ! Oui, comme vous dites Ibn Al Khattab !! Amir des Croyants… »
Il se tut. J’étais tétanisé. Il soulevait littéralement ses pages, les posait comme dans un rêve. Je voulais dire, je ne sais pas koi. Mais il n’arrêtait de dire « Oui ! Omar, Oui Omar, Omar »… Puis :
« Oui, Omar, il ne savait riiiien. Il voulait tuer le Meilleur, tu le sais ? Puis il est venu à moi, il puait le fauve. Et je l’ai pris dans les bras pour l’amener aux pieds du Meilleur. Tu vois ? C’est ça mon vrai boulot, Amara. Je suis là aussi pour les mécréants, pas que pour les croyants. Pourquoi vous m’avez islamisé ? Pourquoi avez-vous fait de moi, le Livre des musulmans. C’est qd même injuste. C’est pas juste. Je vaux mieux que ça. Je suis plus que ça.
Je suis venu sur votre planète. C’est pas pour le bleu des Océans. Je suis là pour bosser. J’aime mon boulot. Je suis Sa Parole pour tous. Le règne humain, règne minéral, les djinns aussi, tous les règnes. Je suis pour tous les fils d’Adam. Et vous m’avez islamisé. Pkoi ? Tu me comprends, Amara ? »
Moi: …